En Charente, l'Oasis du coq à l'âme expérimente la transition écologique et le vivre-ensemble. Associés à des scientifiques, les « sociétaires » de cet éco-hameau étudient les effets du pâturage sur la faune et la flore. Leurs troupeaux sont-ils bénéfiques et dans quelles limites ? Réponse en 2027.
« Le domaine d'Échoisy a 1000 ans d'histoire. Il a accueilli des moines, des seigneurs et même une carrière et une usine à chaux », commente Danièle Bacheré en arpentant les chemins verdoyants et vallonnés de l'Oasis du coq à l'âme, un éco-hameau installé à Cellettes, un village situé au nord d'Angoulême (Charente). Un temps délaissées, ces terres bordant le fleuve Charente accueillent depuis 2021 un projet ambitieux et collectif entièrement tourné vers la transition écologique et le vivre-ensemble. « Notre intention consiste à recréer un hameau mêlant activités économiques, sociales et lieu de vie », détaille Danièle Bacheré qui a initié cette idée et amorcé le projet de cet oasis charentais avec une vingtaine d'autres familles. Ces sociétaires venus de tous les horizons, avec ou sans enfants et des rêves plein la tête, ont « rassemblé leurs économies » et investi selon leurs moyens pour racheter ce domaine d'Échoisy, ses multiples bâtiments et 26 hectares de terres.
© Oasis du coq à l'âme
Vivre et construire ensemble
Acquis pour près de 800 000 euros et toujours ouvert aux visites, l'éco-hameau s'est depuis enraciné profondément sur ces coteaux arborés. Les toitures ont été rénovées, des espaces de travail, des pièces à vivre et des salles communes ont été aménagées. « Nous mutualisons nos achats et nos repas que nous prenons en commun. Une équipe tournante et volontaire se relaie en cuisine afin de préparer les repas pour 30 personnes, midi et soir », explique Danièle Bacheré dans une immense grange accueillante et décorée où se trouve un nombre incalculable de tables, de chaises, et de marmites. L'Oasis du coq à l'âme mise ainsi sur « une sobriété heureuse » et des règles communes qui permettent de « se nourrir, de se loger et de se chauffer » pour 350 euros par mois et par personne.
Un laboratoire vivant suivi par des chercheurs
Misant sur l'expérimentation, l'éco-hameau de Cellettes se compose notamment d'une ferme pédagogique et d'un tiers-lieu tourné vers le réemploi et l'économie circulaire. Il est aussi suivi par une quarantaine de scientifiques curieux d'étudier ce « laboratoire vivant ». Depuis 2024, l'Oasis du coq à l'âme et plusieurs chercheurs mènent ainsi un projet d'étude portant sur les pratiques agropastorales et leurs impacts sur la faune et la flore. L'idée ? Déterminer si les troupeaux de chèvres, de moutons, des poneys et des ânes s'avèrent bénéfiques pour les pâturages et dans quelles limites. Cette étude pilotée par des universitaires – écologues et spécialistes de la microbiologie des sols, entre autres – a reçu le soutien de la Région Nouvelle-Aquitaine à hauteur de 28 300 euros.
Des troupeaux mis à l’épreuve de la science
« L'objectif est de documenter la science en utilisant différents troupeaux de brouteurs sur différentes parcelles », résume Arthur Bourdeau, le responsable de la gestion des troupeaux et du maraîchage au sein du éco-hameau. Au total, 12 parcelles ont été délimitées afin de tester trois modèles singuliers. Les premières parcelles servent de « zones-test », ne sont pas pâturées et sont fauchées une fois par an. Les secondes sont uniquement broutées par des moutons et des chèvres. Les troisièmes intègrent les ânes et les poneys aux ovins et aux caprins. « Nous utilisons des pâturages tournants et adaptons le nombre d'animaux pour permettre à l'herbe de se maintenir », précise Arthur Bourdeau. Les relevés, échelonnés jusqu'en 2027, permettront de tirer un premier bilan de ce projet d'étude. La présence des animaux aura-t-elle des effets positifs ou néfastes sur la fertilisation des sols ? La conservation des espèces végétales et animales ? Pour le savoir, les scientifiques associés vont notamment jusqu'à compter les vers de terre présents sur des lopins de terre. De la moutarde mélangée à de l'eau les font émerger : il n'y a plus qu'à les compter ! La flore comme la macrofaune présente au sol sont enfin étudiés avec soin tout comme les relevés météo.
© Oasis du coq à l'âme
De nouvelles haies pour redessiner le paysage
Les sociétaires de l'Oasis du coq à l'âme ont, eux, multiplié les haies aux abords de ces parcelles, afin de créer des chemins bocagers. Des noisetiers, des amandiers, des cerisiers, des pommiers ont été plantés sur ces terres calcaires longtemps exploitées de façon conventionnelle. « Le site était à l'abandon. Mais pour nous, c'est un petit bijou », sourient Danièle Bacheré et Arthur Bourdeau. L'éco-hameau produit déjà ses fruits et légumes, des fromages et élève sa volaille. « Au fil du temps, nous pourrons peut-être mettre des vaches en trouvant le bon équilibre, pour ne pas dégrader le milieu », abondent-ils en évoquant d'autres projets pour le domaine d'Échoisy.
Les sociétaires planchent notamment sur la construction de 15 maisons réversibles et autonomes en eau comme en électricité. « Sans impact sur le milieu », traduit Danièle Bacheré qui espère à terme y loger vingt familles et les visiteurs venus tester ce modèle alternatif et « pensé pour plusieurs générations ».