A Escource, une transition énergétique avant tout pragmatique

S’il écoute ces visiteurs, le maire de l’époque ne se laisse pas séduire. “ Nous sommes démarchés par des compagnies étrangères et je ne pouvais pas m'empêcher de penser : ils veulent nous piquer notre vent, notre soleil, notre électricité ! ”. En véritable visionnaire, l’élu part en Allemagne avec quelques confrères pour voir ce qu’il s’y passe. En Saxe, ils échangent avec un maire qui avait créé une coopérative énergétique. Persuadé du bien fondé de la démarche, il décide d’en faire de même à Escource, proposant aux opérateurs que la commune soit actionnaire. “ Les entreprises me riaient au nez ”.

L’homme se retrouve isolé avec ses convictions avant-gardistes. “ Seul, dans un si petit village, on ne peut pas faire grand chose ”. Mais un appel d'offres lancé par la Région Nouvelle-Aquitaine va changer la donne. En 2011, Escource devient pilote pour l’expérimentation TEPOS, territoire à énergie positive. 

Après une phase d’études, les projets s'enchaînent. En toute logique, la première action commence par isoler les bâtiments communaux. Mairie, écoles, salles des fêtes, médiathèque…, l’isolation par ouate de cellulose diminue drastiquement la note. “ Nous avions des factures de fou, à l’école maternelle, une véranda nous coûtait 3000€/mois de chauffage en hiver ”. 

Ensuite, la municipalité s’attaque à l’éclairage public. “ Nous avons été la première commune de France à mettre de l’éclairage solaire sur une départementale ”. Si ces actions permettent de réduire la consommation, le maire veut aller encore plus loin. “ Je voulais qu’on soit autonome et que l’on sorte de la logique des prix de marché ”. Pour cela, des panneaux solaires sont installés sur les bâtiments communaux ainsi que sur l’église du village. Au total,1300m2 de photovoltaïques sont posés sur des immeubles désormais reliés entre eux. Ainsi, tous les sites appartenant à la municipalité sont en réseau et bénéficient de l’énergie produite par l’ensemble. Des batteries permettent de stocker l’énergie afin de la redistribuer la nuit pour l’éclairage public, la commune n’a plus de facture d’électricité pour les 341 candélabres. 

Toutes ces installations financées en partie par la région et par l'État ont encore plus prouvé leur utilité ces dernières années. " Au moment de la crise ukrainienne, Escource est devenu un exemple car les autres communes ont vu leur facture exploser alors que nous elle c’est  largement réduite "  se réjouit Pierre Lasterra, maire d’Escource depuis juin 2024. Non seulement, la commune est en autosuffisance mais en plus, elle revend aux commerçants du village, à un tarif défiant toute concurrence. Ainsi, sur la place du bourg, le restaurant réduit sa facture de 1000€/an. 
Nouveau dans la fonction de maire, Pierre Lasterra entend marcher dans les pas de son prédécesseur et souhaite même amplifier le phénomène. Après les professionnels, c’est maintenant aux citoyens que la commune va vendre son excédent de production. Pour cela, une coopérative citoyenne a été créée, elle regroupe 130 actionnaires. Chaque adhérent pourra bénéficier d’un tarif de 0,10€/kwh, soit environ la moitié du tarif réglementé. 

Bénéfique pour les deniers publics mais aussi pour les habitants, la politique menée par le village porte ses fruits et embarque la population vers l’écologie. A Escource, il  n’y a pas eu d’augmentation d’impôts depuis 2008 et cela vaut mieux que tous les discours anxiogènes sur l’avenir de la planète. L’actuel et l’ancien maire en sont convaincus, “ pour faire passer l’urgence écologique, il n’y a pas de meilleure preuve que l’efficacité ”.