La réserve naturelle nationale du Pinail, au paysage atypique né de l’activité de l’homme, compte une biodiversité exceptionnelle reconnue au niveau mondial. Cette zone humide de 142 hectares se dévoile avec un sentier de découverte où les nouvelles technologies permettent une immersion grandeur nature.
- #Environnement
© Kevin_Lelarge
Pénétrer dans la réserve naturelle nationale du Pinail, à mi-chemin entre Poitiers et Châtellerault, est à la fois entrer dans une zone de biodiversité exceptionnelle et unique, mais aussi découvrir un pan de l’histoire locale lié à l’activité humaine. Et c’est justement cette activité qui a permis l’éclosion de cet espace naturel atypique. « En effet, il est né de la main de l’homme qui pendant au moins un millénaire y a extrait des pierres meulières », explique Kévin Lelarge, conservateur du site. « Près de 200 000 meules destinées aux moulins y ont été façonnées. L’activité ayant été abandonnée au XIXe siècle et la nature y repris ses droits. Les trous d’extraction se sont emplis d’eau favorisant le développement de toute une biodiversité. » Un premier inventaire naturaliste réalisé dans les années 1970 a permis à ce site, devenu lieux de pâturage, de chasse et d’exploitation des brandes, d’être pour partie, classé en réserve naturelle en 1980, « alors qu’il devait être voué à la plantation de résineux. Sur les 1000 hectares du Pinail, 142 hectares ont été classées. »
6000 mares
© Di chap
Aujourd’hui, la réserve naturelle se caractérise par une lande à perte de vue peuplée d’ajoncs et de bruyères, offrant en juin un festival de couleurs, mélange de jaune et de rose-violet, et par les 6 000 mares répertoriées fourmillant de vie. Plus de 2 600 espèces y sont présentes dont certaines rares et protégées. Le tout formant, quand on prend un peu de hauteur, un paysage étonnant aux allures très lunaires.
Une richesse unique qui depuis 1987, fait l’objet d’actions de préservation et de sensibilisation à l’environnement menées par l’association GEREPI, gestionnaire du site, dont la Région, chef de file en matière de biodiversité, est un des partenaires avec la feuille de route Néo terra. « Le souhait n’a pas été de mettre sous cloche cet espace, toutefois, il a fallu trouver un juste équilibre entre la préservation du lieu et de sa biodiversité et l’accueil du public dans un souci de sensibilisation à l’environnement. Avec la fréquentation grandissante, la réserve, qui accueille chaque année près de 20 000 visiteurs (familles, scolaires, étudiants), il a été nécessaire de canaliser les flux en créant en 2017 un sentier de découverte de deux kilomètres. »
« S’envoler au-dessus du Pinail »
Mais très vite, le site étant en accès libre, s’est fait sentir la nécessité d’aller plus loin dans la démarche en modernisant, en 2020, les voies de déambulation (opération financée à hauteur de 58 800 € par la Région) « L’objectif a été de conforter la protection du site, tout en améliorant les visites par une plus grande immersion encouragée par des nouvelles installations : des pontons, des observatoires, des aires d’animations… » Mais aussi le recours aux nouvelles technologies avec la réalisation d’une carte interactive téléchargeable sur smartphone (la réserve prête aussi des tablettes) ou en flashant un QR code à chaque panneau explicatif sur le sentier - il y en a neuf. « Nous sommes dans un milieu qui ne se révèle pas facilement. On peut passer à côté des espèces les plus emblématiques, comme la plante carnivore Drosera, les tritons, les grenouilles ou encore les libellules, sans les apercevoir. La carte interactive permet de révéler toutes les richesses à travers des vidéos inédites : s’envoler au-dessus du Pinail, plonger dans les mares, revivre l’épopée de la pierre meulière, observer la naissance d’une libellule, ou encore le repas d’une Drosera. » Aussi riche et magnifique qu’est cette réserve, la réalité de l’impact climatique n’a pas été ignorée. « La hausse des températures et le manque d’eau font qu’aujourd’hui des espèces sont en danger comme le triton crêté et les écrevisses à pattes blanches. »
En catégorie « Mondiale »
Ces démarches de sensibilisation, de protection et de valorisation avec ce circuit de découverte et les animations (visites guidées, sorties natures, sacs à dos d’exploration pour les enfants…) menées auprès d’un large public, lui a valu, fin 2021, la plus haute distinction pouvant être faite à une réserve naturelle, avant l’inscription au patrimoine mondial de l’Unesco : elle a été reconnue zone humide mondiale par la convention Internationale de Ramsar. Le Pinail a ainsi rejoint un club très fermé en France qui compte par exemple la Camargue, le Mont-Saint-Michel ou la Baie-de-Somme. Il est le 4e site Ramsar de Nouvelle-Aquitaine, le 52e de France et le 2 461e du monde.
Une reconnaissance qui pousse les membres de l’association GEREPI à aller plus loin dans ses actions en se dotant d’un espace d’accueil avec une zone muséographique et des salles de formation permettant d’accueillir des groupes et de faire de l’évènementiel. « Avec ce bâtiment, le but est aussi d’avoir une présence permanente sur la réserve, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, pour assurer, là encore, un meilleur accueil des visiteurs », conclut Kévin Lelarge.