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Chambon-sur-Voueize-J. Damase -CCT23
Document stratégique

Diagnostic territorial de l'Est Creuse Développement

Dans le cadre d’une politique territoriale solidaire et co-construite, la Région réalise des diagnostics territoriaux qu’elle partage avec les acteurs concernés pour mettre en évidence la capacité des territoires à se développer et à capitaliser sur ce potentiel.

Revenus captés, dynamiques du tissu économique, attractivité, niveau de cohésion sociale, niveau de formation de sa population, accessibilité aux services de la vie courante… tous ces éléments sont analysés pour aboutir à une stratégie de développement et un plan d’actions adaptés aux spécificités locales.

Un territoire sans véritable polarité

Le territoire de contractualisation de Combraille en Marche est situé sur la frange est du département de la Creuse, à la limite des départements de l’Indre, du Cher, de l’Allier et du Puy de Dôme. Il se compose de deux intercommunalités : les communautés de communes Creuse Confluence et Marche et Combraille en Aquitaine. Territoire de très faible densité et au profil exclusivement rural, il se compose de 92 communes et compte 30 841 habitants en 2015. Il est situé entre les pôles urbains de Guéret et Montluçon, auxquels il est relié par un axe majeur, la RN 145 qui fait partie de l’axe centre Europe Atlantique (RCEA), et par une ligne TER. Il ne dispose d’aucun pôle véritablement structurant. Les quatre principaux bourgs sont de petite taille. Avec ses 1 100 emplois, Boussac, le principal pôle employeur, concentre seulement 11,8 % de l’emploi local. Pôle d’équipement intermédiaire de même qu’Evaux-les-Bains et Auzances, ces trois communes animent chacune un bassin de vie mais n’offrent qu’une partie des équipements les plus courants. Gouzon, la commune la plus peuplée, a quant à elle seulement rang de pôle d’équipement de proximité (offrant des services de base : boulangerie, médecin, coiffeur, artisans du bâtiment, salle multisports …) et dépend du pôle externe d’Aubusson qui se trouve à 30 minutes pour l’accès à la plupart des équipements de la gamme intermédiaire (commerces spécialisés, bassin de natation, salle de sport spécialisée …). Plus largement, les temps d’accès aux équipements les plus courants peuvent être relativement importants pour les habitants de ce territoire.

Un modèle de développement touristique en voie de socialisation

Le territoire de Combraille en Marche dispose d’un modèle de développement de type « Touristique » mis en évidence par une surreprésentation significative des dépenses touristiques dans le processus de captation de revenus en provenance de l’extérieur. Ce modèle pourrait laisser penser que le territoire dispose de modalités de fonctionnement socio-économique très spécialisées. La réalité est en fait plus nuancée. Bien que les revenus sociaux et les pensions de retraite ne soient pas significativement surreprésentés, ils n’en constituent pas moins d’importants leviers de captation complémentaires. Ainsi le modèle de développement traduit plutôt un déséquilibre fonctionnel. Il dépend de plus en plus des mécanismes de redistribution nationaux (transferts sociaux et retraite) et de façon insuffisante des capacités productives exportatrices, qui sont en net repli, ce qui risque d’enfermer le territoire dans une trajectoire de développement défavorable et peu porteuse.
Malgré ces déséquilibres apparents et grâce au levier touristique (qui s’appuie ici essentiellement sur l’attractivité qu’exerce le territoire sur des résidents secondaires), le modèle de développement du territoire induit une captation de richesses par habitant sensiblement supérieure à la moyenne des territoires de même catégorie (les territoires ruraux néo-aquitains). Mais sa propension à consommer localement apparaît assez faible et suggère que le territoire est exposé à une évasion commerciale significative. L’absence de pôles structurants et le déficit d’offre favorise probablement les mouvements de dépenses en dehors du territoire, notamment dans les pôles urbains de Guéret, Montluçon et dans une moindre mesure Aubusson qui font office de véritables pôles de consommation à leur échelle. Cette configuration stimule de facto assez faiblement l’économie présentielle, segment de l’économie exclusivement tourné vers la satisfaction des populations résidentes et présentes (touristes, résidents secondaires, actifs non-résidents…), comme le démontre la densité d’emplois présentiels inférieure au niveau que l’on observe dans les territoires de la région de même catégorie. Elle est également tirée vers le bas par le faible pouvoir d’achat des ménages résidents et la déprise démographique dont pâtit le territoire, décrits ci-après.

Un tissu économique qui a subi de profondes mutations et qui reste en difficulté

Le tissu économique a connu une profonde mutation au cours des 40 dernières années. Doté d’une forte orientation productive concurrentielle dans le courant des années 70, il affiche désormais, comme à peu près partout en France, un profil nettement plus présentiel. Pour autant, le poids de la sphère productive exportatrice reste importante localement (42,4 % contre 34,0 % en France de province). Le tissu économique présente en effet une spécialisation très forte en agriculture (21,5 % de l’emploi relève de ce secteur avec une orientation prédominante dans l’élevage de bovins viande et lait) et une spécialisation également dans plusieurs activités industrielles (la fabrication de machines et équipements, avec la présence de PME, l’industrie du bois-papier, la métallurgie, les industries agroalimentaires), aux côtés d’activités présentielles de type hébergement médico-social-action sociale.
La trajectoire du tissu économique intervenue depuis les années 70 est presque exclusivement liée à l’effondrement des activités productives concurrentielles, en particulier agricoles. La croissance des emplois de la sphère présentielle a été extrêmement modérée sur la période, attestant d’une faible montée en puissance des forces liées à la consommation locale. Dynamique qui n’a amorti que très modérément les très lourdes pertes d’emplois enregistrées dans la sphère productive exportatrice.
Sur la période récente, la « Grande récession » entamée en 2008 révèle des difficultés persistantes du tissu économique et un déficit de résilience. En dépit de son exposition plutôt modérée au premier choc récessif de 2008-2009, il a subi de plein fouet la phase récessive de 2011-2014 et a fait preuve d’une très faible capacité de rebond durant les cycles de reprise observés entre 2009-2011 et 2014-2017. Un léger regain de vitalité amorcé depuis 2014, modéré au regard des tendances régionale et de France de province, a seulement permis d’atténuer l’impact des chocs récessifs sans pour autant les compenser : en 2017, le territoire est loin d’avoir retrouvé son niveau d’emploi salarié de 2008.
Les motifs de cette baisse de l’emploi sur la période 2008-2017 sont autant à rechercher du côté de l’orientation économique du tissu productif, très clairement défavorable, que d’un « effet local » lui aussi négatif. Si chacun des secteurs d’activité qui composent le tissu économique local avaient évolué comme au niveau national, le territoire Combraille en Marche aurait en effet perdu près de deux fois moins d’emplois salariés (- 2,4 % sur la période contre - 5,1 % dans la réalité). L’effet local négatif, qui explique la différence, traduit les difficultés du territoire à mobiliser ses capacités propres, ses ressources spécifiques, pour retrouver une dynamique économique plus favorable. Il interroge notamment la capacité des acteurs économiques et institutionnels à se coordonner et créer des synergies, l’aptitude des entreprises locales à profiter de véritables effets de réseau, à innover ...
En résumé, les piètres performances économiques du territoire tant sur le long terme que sur le court terme sont la preuve d’une fragilisation de ses forces productives concurrentielles. La sphère présentielle n’est pas motrice, voire décroît même entre 2008 et 2017, ne permettant pas au tissu local d’accroître sa capacité de résilience d’ensemble. Ce manque de vitalité est corroboré par la dynamique du tissu d’entreprises et sa faible capacité de renouvellement, illustrée par le déclin de la dynamique de création d’établissements et par l’ancienneté des entreprises. Phénomènes qui trouvent pour partie leur explication dans la très forte fragmentation du tissu économique local (très majoritairement constitué de TPE) et l’isolement des entreprises qu’elle sous-tend.

Une dynamique démographique en berne et une faible attractivité résidentielle

Le territoire est confronté à une déprise démographique continue depuis le fin des années 60. En baisse rapide jusqu’à la fin des années 90, la population continue de décroître dans les années 2000, contrairement à la moyenne des territoires ruraux, mais à un rythme moins soutenu que précédemment. La dynamique démographique du territoire est pénalisée par un déficit naturel important d’intensité constante qui est partiellement amorti par un solde migratoire positif seulement depuis le début des années 90. Après avoir connu un pic entre 1999 et 2010, ce regain migratoire montre clairement des signes d’essoufflement depuis 2010, attestant d’un ralentissement de l’attractivité résidentielle du territoire. La redynamisation de la population demeure cependant vitale car son vieillissement déjà très avancé compromet d’ores et déjà le renouvellement de la main d’oeuvre, enjeu clé de la relance économique. Les seniors de 60 ans ou plus représentent 39 % de la population, et sont 1,6 fois plus nombreux que les moins de 30 ans.
L’état du parc de logements et le niveau d’équipements ne contribuent sans doute pas à renforcer l’attractivité du territoire. L’ancienneté du parc de logements qui se renouvelle peu et le niveau particulièrement élevé de la vacance révèlent une qualité insuffisante du parc, inadaptée à la demande contemporaine. L’ancienneté des logements expose de surcroît les ménages du territoire à des risques forts de précarité énergétique. La présence d’équipements de la gamme intermédiaire au regard d‘une population peu nombreuse et disséminée est conforme à la moyenne des territoires de comparaison mais doit être relativisée au regard des temps d’accès relativement longs pour y accéder et de la sous-représentation de commerces spécialisés et d’équipements sportifs.

Une situation sociale défavorable

Le fonctionnement socio-économique général du territoire, synthétisé par son modèle de développement, et sa dynamique économique pénalisent la situation sociale des habitants, notamment leur niveau de vie. Quelle que soit la catégorie de ménages, des plus défavorisés aux plus aisés, leur revenu disponible est en effet moindre que dans la moyenne des territoires ruraux et a fortiori qu’au niveau régional et national. Et les ménages vivant en dessous du seuil de pauvreté sont beaucoup plus nombreux qu’en moyenne (19,6 % des ménages en 2015), même si leur degré de pauvreté est moindre.
D’autres constats sont plus mitigés. Le niveau de qualification de la population reste faible à l’image de ce que l’on observe dans les territoires ruraux néo-aquitains : les populations sans diplôme qualifiant demeurent encore fortement surreprésentées localement au regard de ce que l’on observe dans la région et en province alors que les diplômés de l’enseignement supérieur sont nettement sous-représentés. Cette situation est toutefois le fait de la population âgée de plus de 40 ans. Les jeunes sont par contre plus souvent diplômés de l’enseignement supérieur que dans les territoires ruraux et plus rarement non diplômés que la moyenne régionale et nationale, ce qui constitue un atout pour le développement du territoire. Le niveau de précarité des conditions d’emploi apparaît élevé au travers de pratiques répandues de temps partiel, moins au regard de la nature des contrats de travail. L’intensité du chômage demeure plutôt modérée et la progression du nombre de chômeurs mesurée, comme dans un certain nombre de territoires en déprise.

Des pistes pour diversifier et rendre plus robuste le modèle de développement

Le modèle de développement du territoire Combraille en Marche apparaît peu porteur en raison de son faible dynamisme productif concurrentiel et d’une dépendance croissante aux mécanismes de redistribution (revenus sociaux et pensions de retraite). Il offre une situation sociale nettement défavorable au regard des standards de comparaison. La structure et la dynamique de son tissu économique, de même que sa dynamique démographique et l’évasion commerciale dont il est victime sont des signes ou des vecteurs de fragilités qu’il convient de prendre en compte pour tenter de diversifier son modèle et le sortir de la trajectoire de développement dans laquelle il pourrait s’enfermer. Il apparaît donc vital pour le territoire de favoriser la diversification de ses moteurs de développement de façon à éviter qu’il ne se « socialise » trop.


L’atteinte de cette ambition passera nécessairement par la réponse à trois types d’enjeux :

  • Redynamiser la composante productive concurrentielle du territoire afin d’accroître la valeur ajoutée produite localement. Des marges de manoeuvre pour le territoire semblent à cet égard résider dans :
    • la structuration d’un véritable écosystème économique territorial ;
    • l’appui à la croissance des entreprises locale (notamment en les aidant à sortir de leur isolement et en mobilisant les ressources internes et externes utiles) ;
    • la valorisation des productions agricoles et l’adaptation des modes de production aux défis environnementaux et sociétaux ;
    • l’adaptation du niveau de qualification de la population.
       
  • Stimuler et diversifier l’économie résidentielle :
    • en pérennisant l’attractivité touristique tout en cherchant à réguler ses effets négatifs sur les conditions d’emploi (cf. la forte proportion d’actifs à  temps partiel) et augmenter le volume de dépenses locales pour stimuler une économie présentielle largement en berne ;
    • en stimulant l’attractivité résidentielle du territoire. Il s’agit d’attirer de façon privilégiée des actifs qualifiés et des jeunes pour freiner le processus de vieillissement, assurer le renouvellement de la main d’oeuvre dans une perspective de redressement économique et d’innovation. L’intensification de l’attractivité pourrait s’accompagner d’une augmentation des salaires « importés » compte tenu de la proximité de petits pôles d’activité comme Guéret, Montluçon et dans une moindre mesure Aubusson.
       
  • Soutenir la consommation locale pour dynamiser l’économie présentielle en réduisant le phénomène d’évasion commerciale, notamment en travaillant l’articulation avec les territoires voisins, et en favorisant l’émergence de véritables polarités à l’échelle du territoire.

 

Avril 2019

Poids des revenus productifs et sociaux captés par le territoire - 1 – Est Creuse Développement
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Poids des revenus productifs et sociaux captés par le territoire - 2 - Est Creuse Développement
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Niveaux de qualification de la population - Est Creuse Développement
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