Le moulin de la Brée actionne les circuits courts

Situé à La Brée-les-Bains, l'emblématique moulin de la Brée avait cessé sa production en 1920 avant d'être transformé en pension de famille puis en habitation privée. Racheté en 2012 par la communauté de communes de l'île d'Oléron et par la municipalité de La Brée-les-Bains, l'édifice a depuis connu un intense chantier de rénovation doublé de la création d'un musée. L'idée ? « Témoigner d'un savoir-faire meunier qui a grandement contribué au développement de notre île, et mettre en place une filière en circuit court », résument Michel Parent et Philippe Chevrier, respectivement président de l'intercommunalité oléronaise et maire de La Brée-les-Bains.

Le sauvetage de ce patrimoine insulaire s'accompagne en effet de la création de toute une filière de production locale. Une meunière a été spécialement recrutée pour confectionner des farines à partir de céréales issues des fermes alentours. « C'est un bonheur, le moulin est quasiment tout neuf, tout est facile », sourit l'heureuse élue, Aline Albalat. Après avoir exploité deux moulins à vent durant près de 15 ans à Jonzac et parachevé cette expérience par un CAP en boulangerie, cette quadragénaire a saisi « l'opportunité » oléronaise « par défi » et par amour pour ce métier découvert « par hasard ». Aline Albalat a entamé ses premières productions en juin dernier sur les deux paires de meules du moulin de la Brée – l'une d'entre elles est d'origine. « C'est assez rare et prestigieux ! Ça permet de doubler la production et de mettre en place deux circuits de production distincts et indépendants, l'un réservé à l'agriculture biologique et l'autre pour des céréales conventionnelles », assure-t-elle. Chaque meule en silex pèse près d'une tonne et affiche un diamètre de près de 1,50 mètre. « Sur chaque paire, il est possible de moudre 100 kilos de blé à l'heure et d'en tirer 95% de farine. Sur une journée de travail, cela représente une belle production », calcule Aline Albalat.

Cinq agriculteurs oléronais ont accepté de participer à cette aventure et de fournir le moulin en céréales – l'objectif est de produire 38 tonnes de farines par an. Parmi eux : Fabrice Themier installé à Saint-Pierre-d'Oléron avec son frère Éric où ils veillent sur une centaine de vaches limousines et près de 60 hectares de blé. Ce trentenaire n'avait jamais vu un moulin en activité sur l'île et livrait jusque-là toute sa production à une coopérative située sur le continent. Une partie alimentera désormais le moulin de la Brée. « C'est très intéressant de travailler sur des circuits courts, de miser sur une production locale. C'est vraiment un beau projet », se réjouit-t-il. Installée à Saint-Georges-d'Oléron avec sa sœur Christine, Cécile Nadreau confirme : « C'est assez émouvant, il n'y a pas que des plages et le tourisme sur l'île d'Oléron, il y a aussi tout une activité agricole. Et les moulins représentent tout un pan de notre histoire ! » À la tête d'une exploitation bio, Christine et Cécile Nadreau cultivent vignes, légumes et céréales depuis les années 2000, après avoir succédé à leurs parents. Elles-mêmes possèdent un petit moulin électrique et perçoivent dans le moulin de la Brée l'occasion de « contribuer plus encore à la valorisation et au développement de l'agriculture oléronaise ».

Extrait par les airs à l'aide d'une grue, le mécanisme du moulin a, lui, été conservé et patiemment restauré par les charpentiers amoulageurs de l'entreprise Croix spécialisée dans ce savoir-faire ancestral. La plupart des pièces historiques ont été conservées ou façonnées à l'identique. Ce travail d'orfèvres a nécessité une enveloppe de 2,63 millions d'euros – la Région Nouvelle-Aquitaine y a contribué à hauteur de 412 500 euros.

L'île d'Oléron espère attirer 20 000 visiteurs chaque année dans ce nouvel espace muséographique et lors des visites commentées du moulin, assurées entre autres par Aline Albalat. Chaque matin, la meunière entame sa journée en orientant la coiffe du moulin face au vent. « J'ai un système de treuils et de poulies, mais c'est plus rapide à la main et à l'épaule, avec un peu d'aide », précise-t-elle. Seule entorse au plan originel, une assistance électrique a été installée pour entraîner les meules en l'absence de vent. « Mais le moulin est très sensible au moindre souffle, souligne Aline Albalat. Et le vent, on n'en manque pas ! »