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Les personnes associées au projet de la résidence jeunes
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actualité

Le bocage bressuirais loge ses apprentis au plus près

Dans le bocage bressuirais, élus, entreprises et acteurs sociaux s’unissent pour loger les jeunes actifs, alternants et stagiaires. 53 logements viennent d’être créés dans quatre communes.

Publié le mardi 13 mai 2025

D’ici l’automne 2025, les quatre résidences Habitat Jeunes du bocage bressuirais seront toutes ouvertes et prêtes à accueillir leurs locataires. La dernière à voir le jour achève actuellement sa transformation dans l’ancien théâtre de Bressuire. Elle proposera 24 appartements de qualité, à destination des apprentis, alternants, stagiaires et salariés en CDD, situés à quelques encablures du centre-ville et proposés à des loyers très accessibles. Dans le bocage, comme en ville, ces jeunes peinent à se loger sur de courtes durées : un vrai frein à la mobilité et à l’emploi dans un territoire pourtant dynamique. Cette nouvelle offre vient compléter les 29 logements, déjà ouverts depuis plusieurs mois, à Moncoutant-sur-Sèvre, Cerizay et Nueil-les-Aubiers, trois communes qui, avec Mauléon, structurent cette jeune agglomération autour de Bressuire. « Sur ce dossier, nous avons privilégié la coopération entre nos communes, car nos jeunes rencontrent ces difficultés de logements partout », souligne EmmanuelleMénard, maire de Bressuire et vice-présidente au développement économique de la Communauté d'Agglomération du Bocage Bressuirais. À Cerizay, la nouvelle résidence occupe, désormais, un étage entier de l’ancien foyer de jeunes travailleurs. Construit dans les années 1980-1990, à l’époque où l’entreprise Heuliez faisait vivre des milliers de salariés, ce bâtiment accueillait alors des immigrés marocains, puis des réfugiés politiques sud-américains. « Nous avons réhabilité ce bâtiment de quatre étages qui accueille aussi aujourd’hui, dans un souci de mixité, l’office culturel municipal, une antenne médico-sociale du département et une nouvelle capacité d'hébergement, d'environ 80 lits, pour les touristes en visite au Puy du Fou », explique Johnny Brosseau, maire de Cerizay.

Ambre, une jeune demandeuse d'emploi, dans son logement

Des rénovations en centre-bourg

Dans le bocage comme ailleurs, deux acteurs majeurs portent la construction et la gestion de ces résidences : Deux-Sèvres Habitat, l’office public départemental, et l’association Pass’haj, fondée en 1970 sur le Nord Deux-Sèvres. Cette dernière gère aujourd’hui, au-delà des résidences pour jeunes actifs, plus de 120 logements d’urgence ou d’accueil pour des jeunes en errance, en rupture familiale ou pour des mineurs isolés. Deux-Sèvres Habitat disposait déjà de logements pour les jeunes dans des HLM ou des foyers adaptés, mais l’office a su innover ici, en menant à bien quatre opérations de réhabilitation complexes en cœur de bourg ; notamment dans deux anciennes maisons de retraite à Nueil-Les-Aubiers et Moncoutant-sur-Sèvre. « Nous sommes allés au bout de ces chantiers car nous avons pu additionner les aides à la pierre et bénéficier d’un solide financement national dédié à ces résidences », souligne Bénédicte Loeuil, directrice du pôle investissement de l’office.

Côté gestion, l’Association Pass’haj accompagne au quotidien les jeunes locataires. Ses équipes assurent l’accueil, orientent sur les sujets liés à la santé, mobilité et démarches administratives. Elles organisent aussi des temps de rencontre entre résidents. Pour un loyer global de 480 euros (APL comprises), l’association reverse environ 110 euros à Deux-Sèvres Habitat, qui peut ainsi rembourser ses emprunts. Les jeunes hébergés, tous de moins de 30 ans, sont apprentis, alternants, stagiaires ou en parcours d’insertion. Selon leur situation et les aides mobilisées, leur reste à charge mensuel oscille entre 100 et 300 euros, toutes charges incluses. « Nous avons un contrat d’objectifs très clair avec la Caisse d’Allocations familiales : chaque résident doit être engagé ou accompagné vers une dynamique d’insertion professionnelle. Les séjours durent de un mois à un an », rappelle Marie Guesdon, directrice engagée de Pass’haj Nord Deux-Sèvres.

Parmi les locataires, Martin, 27 ans, originaire de Rennes, se destine à l’animation. Après un stage en novembre, il poursuit en alternance dans une association locale. « Je ne connaissais personne ici. Grâce à la résidence, je profite d’une formule souple et de nombreux temps collectifs », témoigne-t-il. Son loyer à Nueil-les-Aubiers s’élève à 300 euros, charges comprises et APL déduites. Ambre, 20 ans, a connu une histoire plus tourmentée. Recueillie à Cerizay, il y a deux ans, après une rupture familiale, elle a bénéficié de l’accompagnement de l’association. « Elle a un peu dépassé la durée limite, mais notre rôle est de réparer les parcours abîmés, pas d’en casser d’autres », souligne Candice Bironneau, intervenante socio-éducative. Après un contrat d’engagement jeune utile et la participation à des ateliers collectifs, Ambre s’apprête à passer son permis et à intégrer une formation d’animation jeunesse et loisirs. Elle paye actuellement 122 euros de loyer à Cerizay, dont 15 euros de laverie, et pourra bientôt accéder, à Bressuire, à un logement via l’intermédiation locative proposée par Pass’haj.

Vue des appartements dans le bocage bressuirais
Vue des appartements

Les entreprises en demande

Le logement reste un enjeu crucial pour les entreprises du bocage bressuirais, qui peinent à attirer et fidéliser de jeunes recrues faute de solutions adaptées. « Nous avons besoin de 365 logements à l’année, toutes catégories confondues », résume Jérôme Baron, vice-président habitat et logement de l’Agglomération du Bocage Bressuirais. Un déficit d’autant plus problématique que les taux de vacance ont été divisés par deux en dix ans.

Certaines entreprises n’ont pas attendu pour agir. Le laboratoire Sciences & Nature, PME familiale de cosmétique bio qui cultive une partie de ses matières premières localement, s’est emparé du sujet. « Nous devons nous mobiliser sur le logement de nos salariés, alternants, contrats courts et stagiaires », explique Olivier Guilbaud, son co-dirigeant. En 2024, l’entreprise a recruté 50 personnes, principalement des jeunes en alternance, en stage ou en contrat court. Elle a investi à Bressuire dans six chambres en coliving, louées 100 euros par mois, en partenariat avec l’Agglo et un bailleur social. Elle garantit aussi des baux dans le parc privé et s’est associée à quatre autres entreprises du territoire — dont Wesco et Millet — pour créer, en 2023, une crèche inter-entreprises de 35 places.

Même mobilisation aux Ateliers du Bocage, une Scic (Société coopérative d'intérêt collectif) de 200 salariés, dont la moitié en insertion, spécialisée dans le reconditionnement de produits numériques, informatiques et dans la récupération de palette. « Nous avons une responsabilité sociale à accompagner nos jeunes, en leur trouvant des solutions à Bressuire, à Cerizay chez l’habitant, dans les foyers ou dans les résidences jeunes qui sont de vraies bouffées d’air », témoigne Émilie Brunetière, responsable de l’accompagnement et de la formation aux Ateliers du Bocage. La coopérative envisage même de développer ses propres tiny houses pour loger ses salariés en parcours d’insertion

Vue de l'extérieur de l'immeuble réhabilitée

Un financement rare

Les quatre résidences Habitat Jeunes, désormais ouvertes sur le bocage, sont l’aboutissement d’un long travail collectif et d’un financement d’exception. Tout débute dans les années 2010, à l’initiative du comité de bassin d’emploi, réunissant syndicats, entreprises et acteurs de l’insertion : « À l’époque, on comptait 20 000 jeunes de 13 à 30 ans sur le territoire, mais on les connaissait très peu », se souvient André Guillermic, vice-président en charge de la jeunesse à l’Agglomération.

Une large concertation territoriale s’engage alors, impliquant une cinquantaine de structures et pilotée par le sociologue Christophe Moreau. De ce travail naît un livre blanc posant des propositions d'actions en matière de mobilité, culture, formation et logement. Les bases sont jetées. Le déclic survient avec le lancement du Programme Investissements d’Avenir (PIA). Le bocage bressuirais, associé à la Gâtine voisine (Parthenay), se lance dans la course, bien décidé à faire entendre la voix du monde rural dans une compétition largement dominée par les métropoles. Pari réussi : en 2018, le projet est retenu pour son volet logement et décroche 1,5 million d’euros de l’État, avec un calendrier de réalisation serré.

« Nous faisions partie de seulement deux territoires ruraux parmi les huit lauréats sur une vingtaine de candidats », rappelle André Hérault, co-président de l’association créée pour porter ces résidences. Le choix stratégique de rénover des bâtiments en centre-bourg plutôt que de construire en périphérie complexifie encore l’exercice. Mais l’Agglomération, jeune à l’époque, s’engage aux côtés des communes à hauteur de 500 000 euros chacune. La Région abonde d’autant, complétée par 420 000 euros dans le cadre de l’appel à manifestation d’intérêt « Revitalisation », et le Fonds Friche est également mobilisé.

Le montage financier est particulièrement tendu. « On était en surchauffe permanente sur nos tableurs Excel, avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête car l’Anru (Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine) ne débloquait ses subventions qu’une fois les factures acquittées », se remémore Claude Pousin, alors maire de Saint-Pierre-des-Échaubrognes et vice-président en charge de l’habitat. Au total, ce sont plus de 7 millions d’euros qui auront été investis.

Dès septembre 2025, 53 logements à loyers attractifs seront proposés en centre-bourg, à proximité des entreprises. « Nous sommes collectivement fiers d’apporter à ces jeunes, souvent en parcours d’insertion après des ruptures scolaires ou familiales, des solutions de logement accessibles, et à nos entreprises des solutions de recrutement de proximité », souligne Cécile Vrignaud, maire de la commune de Moncoutant. Le problème du logement n’est certes pas entièrement résolu sur le bocage, mais ici, les acteurs locaux ont su construire une réponse concrète et durable.

Martin, un résident