Dans le cadre d’une politique territoriale solidaire et co-construite, la Région réalise des diagnostics territoriaux qu’elle partage avec les acteurs concernés pour mettre en évidence la capacité des territoires à se développer et à capitaliser sur ce potentiel.
Le territoire de contractualisation du Mellois-Ruffécois s’étend sur deux départements, les Deux-Sèvres (79) et la Charente (16), entre les agglomérations de Niort, Angoulême et la CU du Grand Poitiers. Il se compose de trois communautés de communes (CC) : Mellois en Poitou (79), Val de Charente et Cœur de Charente (16) et compte 84 800 habitants en 2014. La CC deux-sévrienne et le groupe des deux CC charentaises sont chacun couverts par un SCoT.
Les pôles urbains de Melle et de Ruffec (3 300 à 3 400 emplois chacun) structurent l’espace de ce territoire rural très peu dense, mais ne concentrent que 11% de la population du territoire et 26% de l’emploi. Aux côtés de cinq autres communes : Celles-sur-Belle, Chef-Boutonne, Sauzé-Vaussais, Mansle et Brioux-sur-Boutonne (entre 700 et 1 500 emplois), ils constituent des pôles d’équipement de rang « intermédiaire », qui animent chacun un bassin de vie en apportant à la population l’accès aux équipements et services les plus courants. Avec une qualité de dessertes routières et ferroviaires différentes, ni Ruffec (sur la N10 et la ligne TER Angoulême-Poitiers), ni Melle (éloigné de 30 minutes du plus proche échangeur sur l’A10) ne présentent un réel dynamisme socioéconomique.
Un cinquième de la population vit dans des communes des extrémités nord-ouest et sud du territoire directement sous l’influence de Niort et d’Angoulême. Plus largement, ces deux pôles d’emploi attirent 20 % des actifs du territoire.
Un modèle de développement territorial «social-pendulaire» peu porteur
L’analyse des revenus que le Mellois-Ruffécois capte à l’extérieur du territoire met en évidence un modèle de développement spécifique, de type « socialpendulaire ». Il traduit une recomposition des modalités de fonctionnement socioéconomiques du territoire. Elles reposent de moins en moins sur les capacités productives du territoire dont le déclin engendre des difficultés sociales qui s’accompagnent d’une montée en puissance des transferts sociaux. L’importance des revenus pendulaires dans le processus de captation de revenus prend le relai du moteur productif exportateur. Ils résultent d’une part croissante d’actifs qui vont travailler à l’extérieur du territoire, notamment dans les agglomérations voisines (37 % des actifs résidents sont concernés contre 33 % en moyenne dans les territoires ruraux néo-aquitains). Ils « importent » des revenus sur le territoire au travers de leurs salaires qu’ils sont susceptibles d’y dépenser. Cette résidentialisation du modèle de développement n’est pas particulièrement porteuse pour le Mellois-Ruffécois au regard du creusement des inégalités territoriales qu’elle induit au sein du territoire, comme on le verra ci-après, et des conséquences sociales et environnementales qu’elle est susceptible d’engendrer.
D’ailleurs, le potentiel de captation de richesses du Mellois-Ruffécois reste très limité. Le territoire souffre notamment d’un déficit d’attractivité touristique prononcé. Si les pensions de retraite occupent une place aussi importante qu’en moyenne dans les territoires ruraux dans ce territoire au vieillissement contenu, c’est essentiellement du fait de la faiblesse des revenus globaux que le territoire capte. Ce déficit est de nature à freiner la création d’emplois présentiels privés, qui produisent des biens et des services à destination de la population locale et des touristes. Cependant, grâce à une propension à consommer localement relativement bonne, le Mellois-Ruffécois parvient à générer une densité d’emplois présentiels dans la moyenne des territoires ruraux.
Une économie vulnérable qui subit mutations structurelles et effets de la crise
Le tissu économique a connu comme partout une véritable mutation depuis les années 70. Elle se traduit sur le territoire par l’effondrement de l’emploi des secteurs productifs exportateurs qui n’a pas pu être compensé par la progression pourtant soutenue de la sphère présentielle. Ainsi la sphère productive, alors qu’elle concentrait 61 % des emplois en 1975, n’en représente plus que 37 % en 2014 comme dans les territoires ruraux.
Elle se singularise en Mellois-Ruffécois par une multiplicité de spécialisations dans divers secteurs industriels, l’agriculture et le transport-entreposage. L’industrie chimique est 2,4 fois plus présente qu’en province (présence de Rhodia). Les industries de fabrication d’équipements électriques, du bois-papier-imprimerie, de l’agroalimentaire sont également surreprésentées. L’agriculture représente 10% de l’emploi de ce territoire rural (soit deux fois qu’en région) et semble stabiliser ses emplois entre 2010 et 2015 après avoir connu de lourdes pertes.
Le secteur du transport-entreposage, et plus largement la fonction transport-logistique apparaît aussi comme une spécialisation territoriale (elle concentre 11 % des emplois, soit 3 points de plus qu’en France de province). La présence de plusieurs plateformes logistiques en atteste. Ressortent enfin deux spécialisations du tissu économique local dans des secteurs d’activité majoritairement présentiels, l’hébergement médico-social et action sociale, qui emploie 15 % des salariés du territoire, et la construction.
Sur la période récente, le Mellois-Ruffécois est touché par la crise économique et peine à s’en relever. Entre 2008 et 2016, il a perdu 4,6 % de ses effectifs salariés privés, soit 570 emplois. Ces résultats proviennent pour moitié de l’orientation sectorielle défavorable du tissu économique et pour moitié d’un effet local négatif. Ces difficultés sont corroborées par la dynamique du tissu d’entreprises. Ce dernier se caractérise par une faible capacité de renouvellement, illustrée par la faiblesse du taux de création d’établissements, et son ancienneté. La forte implantation de l’économie sociale et solidaire sur le territoire peut constituer un atout.
Une situation sociale mitigée
Sans être marquée par des difficultés notables, la situation sociale du Mellois Ruffécois ne se révèle pas très porteuse. Le niveau de vie des ménages est nettement inférieur à la moyenne régionale. Moins inégalitaire que les territoires de référence, le Mellois-Ruffécois se distingue par des revenus sensiblement plus élevés que les territoires ruraux pour les classes les moins aisées. Le taux de pauvreté, qui atteint 15,2 % en 2015, est également compris entre les moyennes des territoires ruraux et de la région.
L’intensité du chômage est moins prononcée qu’en Nouvelle-Aquitaine et en France de province et progresse moins entre 2009 et 2014. Les conditions de travail ne sont pas particulièrement précaires et les contrats courts sont moins nombreux que dans les territoires de référence. Pour autant, le temps partiel est répandu. Le niveau de qualification de la population est globalement faible, même s’il progresse et s’il est légèrement supérieur en 2014 à la moyenne des territoires ruraux pour les moins de 40 ans.
La situation sociale n’est par ailleurs pas homogène sur l’ensemble du territoire. Dans la partie centrale, les ménages bénéficient de revenus moindres : la pauvreté est plus développée (elle atteint 19,1 % des ménages dans la CC Val de Charente), le chômage est plus répandu et le niveau de qualification de la population est plus faible.
Des centralités à dynamiser pour entretenir l’attractivité du territoire et réduire les disparités territoriales
Après un long déclin démographique, cependant moindre qu’en moyenne dans les territoires ruraux, le Mellois-Ruffécois enregistre un regain de population depuis le début des années 2000 plus intense que dans les territoires de même catégorie, sous l’effet d’une attractivité migratoire soutenue alors que le solde naturel reste résolument négatif. Le dynamisme démographique ne profite cependant qu’aux franges nord et sud du territoire sous influence de Niort et Angoulême. Le cœur du territoire, dont la situation sociale semble plus dégradée, continue de perdre des habitants. Alors qu’à l’échelle du Mellois-Ruffécois dans son ensemble, le vieillissement de la population reste contenu par les apports migratoires, il est davantage prononcé dans les zones en déprise, en particulier dans la CC Val de Charente où les habitants de 60 ans et plus sont 1,3 fois plus nombreux que les jeunes de moins de 30 ans. L’attractivité du territoire est peu favorisée par un parc de logements très ancien même s’il se renouvelle davantage qu’en moyenne dans les territoires ruraux. Il est affecté d’un taux de vacance qui, tout en étant inférieur aux territoires de même catégorie, est élevé, en particulier dans la CC Val de Charente. L’attractivité est également mal servie par un niveau d’équipement inférieur aux moyennes quelle que soit la gamme, seule la CC Val de Charente apparaît bien équipée.
Vers des enjeux stratégiques
Le modèle de développement social-pendulaire actuellement à l’œuvre sur ce territoire présente des défaillances manifestes. Il offre aujourd’hui un faible potentiel de captation de richesses qui nuit à la création d’emplois présentiels. Sa dimension pendulaire ne bénéficie pas à l’ensemble du territoire, contribuant à creuser les disparités territoriales. La consolidation des revenus productifs et le développement des dépenses touristiques s’imposent au territoire.
La sauvegarde d’une base productive exportatrice est bien évidemment essentielle pour le territoire. La sphère productive est menacée de fragilisation, dans l’immédiat par la délocalisation de la plateforme Intermarché d’Alloinay, mais aussi par un fonctionnement de l’écosystème local qui ne semble pas optimal. Le secteur agricole doit également faire face à des mutations incontournables pour répondre aux défis environnementaux et sociétaux. La présence du Centre d’Etudes Biologiques de Chizé (CEBC), qui mène des études et expérimentations sur l’agriculture constitue un atout pour le territoire.
Le potentiel touristique du Mellois-Ruffécois, fondé sur son patrimoine bâti et ses paysages entre en concurrence avec de nombreux territoires français. Des marges de progrès semblent toutefois envisageables autour de l’itinérance douce en parallèle d’une hausse des capacités d’hébergements susceptible de fixer des touristes sur le territoire.
La redynamisation d’ensemble du territoire passe également par le renforcement de ses pôles, notamment le rôle moteur de Melle et Ruffec n’est pas affirmé, en particulier sur le plan démographique (stabilisation du nombre d’habitants).
Enfin, le développement de l’économie présentielle est un enjeu pour le territoire en particulier dans les zones centrales du territoire qui ne bénéficient pas du levier pendulaire. Par ailleurs, l’importance des déplacements d’actifs vers l’extérieur du territoire pose la question d’une gestion durable des mobilités, afin de prendre en compte la transition énergétique et de limiter les coûts de déplacement pour les « navetteurs ». Le profil de ces derniers oblige à penser un aménagement territorial adapté (risque d’évasion commerciale accrue, programmation culturelle et de loisirs, gestions des espaces naturels…). La prise en compte des déplacements pendulaires mérite d’être coordonnée avec les EPCI avec lesquels le territoire entretient des relations d’interdépendance marquées (les CA du Niortais et d’Angoulême, la CU du Grand Poitiers, la CC Haut Val de Sèvre).
Plus largement, le développement de coopérations interterritoriales renforcées avec ces EPCI s’impose, non seulement en matière de mobilité, mais aussi d’accueil de population, d’équipements, de développement économique, de tourisme.