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Le lac bleu- P Labeguerie - CC
Document stratégique

Diagnostic territorial de Graves et Landes de Cernès

Dans le cadre d’une politique territoriale solidaire et co-construite, la Région réalise des diagnostics territoriaux qu’elle partage avec les acteurs concernés pour mettre en évidence la capacité des territoires à se développer et à capitaliser sur ce potentiel.

Revenus captés, dynamiques du tissu économique, attractivité, niveau de cohésion sociale, niveau de formation de sa population, accessibilité aux services de la vie courante… tous ces éléments sont analysés pour aboutir à une stratégie de développement et un plan d’actions adaptés aux spécificités locales.

Un territoire intégré à l’aire urbaine bordelaise

Le territoire Graves et Landes de Cernès est situé dans la périphérie sud de la métropole bordelaise. Il se compose de deux intercommunalités : les communautés de communes Jalle-Eau-Bourde et Montesquieu qui comptent au total 16 communes et un peu plus de 71 000 habitants. Caractérisé par une forte densité de population, il se situe intégralement à l’intérieur de la grande aire urbaine de Bordeaux. 72 % de la population réside dans sept communes de sa partie nord qui font partie intégrante du pôle urbain, les neuf communes de sa partie sud sont dans la couronne périurbaine. Il bénéficie ainsi du réseau d’infrastructures qui dessert Bordeaux. Il est en particulier traversé par l’A63 qui le relie à courte distance à Bordeaux et Arcachon, à plus longue distance à Paris et l’Espagne, par l’A62 Bordeaux-Toulouse-Narbonne, et profite de deux lignes TER qui le connectent à Bordeaux et respectivement à Arcachon à l’ouest et Langon-Marmande-Agen à l’est. Le territoire bénéficie également d’une couverture en équipements, à la fois répartie géographiquement et relativement diversifiée, largement complétée par l’offre bordelaise, notamment pour l’accès aux équipements de la gamme supérieure.

Un « pôle de production » au profil pourtant largement « pendulaire »

Le territoire Graves et Landes de Cernès dispose d’un modèle de développement de type « Pendulaire » mis en évidence par une surreprésentation significative des revenus « pendulaires » dans le processus de captation de revenus en provenance de l’extérieur. Ces revenus, qui sont importés par les nombreux actifs qui résident sur le territoire et vont travailler hors de son périmètre, spécifiquement au sein de Bordeaux Métropole (près de 7 actifs sur 10 sont dans ce cas) constituent en effet le premier moteur de développement. Ce modèle pourrait laisser penser que le territoire dispose de modalités de fonctionnement socio-économique très spécialisées. La réalité mérite cependant d’être nuancée. Effectivement, malgré la relative jeunesse de sa population, les pensions de retraite constituent un levier de captation important et qui devrait se renforcer. Aujourd’hui soutenu par le niveau particulièrement élevé des pensions dont bénéficient les retraités du territoire, ces richesses captées par le territoire devraient se renforcer à l’avenir compte tenu de la structure démographique (nette surreprésentation des populations de 45-59 ans qui constitueront les retraités de demain). Par ailleurs, les activités productives concurrentielles, prépondérantes dans le tissu économique du territoire, constituent un potentiel de revenus important. Les richesses qu’elles apportent au territoire sont cependant réduites par l’occupation d’un grand nombre des emplois qu’elles offrent par des actifs non-résidents. Au total, quelles que soient les activités concernées, le territoire redistribue 435,9 millions d’euros de masse salariale en direction d’autres intercommunalités via son attractivité sur des actifs non-résidents (dont 240,8 millions d’euros en direction de Bordeaux Métropole) quand il en capte 574,8 millions en provenance de l’extérieur (dont 464,4 millions au sein de la métropole). Ces chassés-croisés sont le reflet d’une très forte articulation entre le territoire et la métropole bordelaise et d’un désajustement prononcé entre lieux de travail et de résidence. Deux sources de revenus apparaissent sous-représentées. La faiblesse très prononcée des dépenses touristiques est la traduction de la faible attractivité touristique du territoire au regard de la moyenne des territoires du périurbain bordelais. La sous-représentation des transferts sociaux résulte quant à elle d’une situation sociale avantageuse. En dépit de sa faible attractivité touristique, le modèle de développement du territoire induit une captation de richesses par habitant très sensiblement supérieure à la moyenne des territoires de même catégorie. Et la propension à consommer localement demeure également très favorable, suggérant que le territoire est moins exposé au phénomène d’évasion commerciale que la moyenne des territoires du périurbain bordelais. Cette configuration permet de fortement stimuler l’économie présentielle, segment de l’économie exclusivement tourné vers la satisfaction des populations résidentes et présentes (touristes, résidents secondaires, actifs non-résidents…), comme le démontre la densité d’emplois présentiels supérieure au niveau que l’on observe dans les territoires de la région de même catégorie.

Un tissu économique qui conserve une orientation productive et demeure exceptionnellement dynamique

Contrairement aux grandes tendances générales, le tissu économique local n’a pas subi de véritable transformation depuis les années 70. La sphère productive concurrentielle reste prépondérante quand la très grande majorité des territoires français voyait le poids de l’économie présentielle s’affirmer. Cette stabilité est le produit combiné du dynamisme absolument exceptionnel et équilibré de ses forces productives concurrentielles et présentielles. Ces deux sphères ont multiplié par plus de trois leurs emplois entre 1975 et 2015 dans un contexte national pourtant largement défavorable pour la première. Le territoire semble avoir bénéficié sur le temps long de la constitution d’un véritable écosystème « hyper-industriel » structuré autour de plusieurs secteurs d’activité complémentaires, industriels (Fabrication de machines et d’équipements, l’agro-alimentaire, activités de réseaux …), activités de services aux entreprises (Recherche-développement scientifique, Activités de services et de soutien, Activités informatiques, Activités juridiques, comptables, gestion, ingénierie …), activités de Transport et entreposage. La dynamique exceptionnelle des deux sphères a engendré une formidable vitalité économique sur longue période à l’échelle du territoire.

Sur la période récente, le territoire a été particulièrement préservé de la « Grande récession » entamée en 2008 par la crise des subprimes. Ce en raison de la sous-exposition du tissu économique aux deux chocs récessifs qui se sont succédés entre 2008-2009 et 2011-2014 (il a même enregistré durant ces périodes des progressions exceptionnelles de ses effectifs salariés privés, à rebours des tendances régionales et nationales) et de sa forte capacité de rebond lors des périodes de reprise (2009-2011 et 2014-2017). Au global, le territoire a enregistré une dynamique de création d’emploi salarié remarquable entre 2008 et 2017 et très nettement supérieure aux tendances de comparaison, attestant de la pérennité de sa dynamique économique. Les motifs de cette progression exceptionnelle de l’emploi sur la période 2008-2017 sont à rechercher à la fois du côté de l’orientation économique du tissu productif, très clairement favorable, et du côté d’un « effet local » absolument remarquable. Effectivement, si chacun des secteurs d’activité qui composent le tissu économique local avait évolué comme au niveau national, le territoire Graves et Landes de Cernès aurait enregistré une progression de l’emploi salarié de +3,9 % contre +34,1 % dans la réalité. Cet effet local extrêmement positif est le produit de la dynamique métropolitaine dans laquelle s’inscrit le territoire depuis maintenant plus de 40 ans, du desserrement des activités économiques du cœur métropolitain vers sa périphérie et de la grande diversité et complémentarité de son tissu productif.

En résumé, si les performances économiques du territoire sur le long terme étaient exceptionnelles, elles sont restées absolument remarquables à plus court terme durant la « Grande récession », attestant de la solidité de ses forces productives concurrentielles et du dynamisme de la consommation locale. Si quelques secteurs concurrentiels comme les Télécommunications ou la Fabrication de matériels de transport ont subi des pertes significatives, la plupart des activités ont fait bien mieux que résister. Certaines ont enregistré des progressions d’emplois très importantes (Activités de services administratifs et de soutien, Transport et entreposage, Activités juridiques, comptables, gestion, architecture, ingénierie, Activités informatiques …). Dynamisme qui s’est couplé à une rapide progression des secteurs d’activité présentiels comme ceux de la Construction, du Commerce et de l’Hébergement – restauration.

D’autres indices sont révélateurs de cette exceptionnelle vitalité économique. Le taux de création d’entreprise, bien qu’en baisse sur la période 2011- 2016 comme partout ailleurs, rebondit de façon significative en 2017 et reste supérieur à la moyenne régionale et nationale. Le tissu productif apparaît modérément fragmenté (le poids des TPE est réduit) et plutôt dominé par des entreprises de taille intermédiaire, souvent plus robustes et dynamiques.

Et il semble se renouveler plus rapidement qu’en moyenne au regard de l’âge moyen de ses entreprises.

Une dynamique démographique exceptionnelle et une attractivité résidentielle à maîtriser

La dynamique démographique du territoire demeure exceptionnelle. La population a été multipliée par 3,7 depuis 1968 sous l’effet d’une très forte attractivité et d’un excédent naturel concomitamment élevé, soutenu par une attractivité résidentielle qui s’exerce surtout sur des populations jeunes. La croissance démographique, après s’être ralentie dans les années 90, se renforce à nouveau sur la période récente, en raison d’un rebond d’attractivité et d’une reprise de la croissance du solde naturel. La pérennisation de cette dynamique limite le vieillissement de la population et entretient le développement économique du territoire. Mais elle devra être davantage maîtrisée afin de limiter des conséquences environnementales et sociales potentiellement néfastes. Il convient en effet de limiter la consommation foncière et les émissions de CO² liées aux déplacements. Sur le plan social, il s’agit d’éviter les risques de surchauffe du prix du foncier et de l’immobilier, déjà élevé, qui pourrait à terme accentuer les effets d’éviction des populations défavorisées plus loin dans le périurbain voire hors du territoire dans l’arrière-pays rural. Premiers signes de tension du marché : le parc de logements, pourtant en forte croissance et relativement récent, est d’ores et déjà marqué par une très faible vacance et une présence limitée de logements locatifs.

Une situation sociale très favorable

Le fonctionnement socio-économique général du territoire, synthétisé par son modèle de développement, et sa dynamique économique sont aujourd’hui vecteurs d’un niveau de cohésion sociale très favorable.

Le niveau de qualification de la population demeure élevé : les populations sans diplôme qualifiant sont largement sous-représentées localement et les diplômés de l’enseignement supérieur pèsent d’un poids bien supérieur aux moyennes de comparaison. Le niveau de précarité de l’emploi est faible en raison d’une sous-représentation des actifs à temps partiel ou en contrat instable. L’intensité du chômage reste nettement inférieure à la moyenne des territoires périurbains bordelais et à celles de Nouvelle Aquitaine et de Province. Sa hausse reste modérée sur la période 2010-2015 : la progression très rapide du nombre de chômeurs s’explique essentiellement par la progression exceptionnelle de la population active.

Enfin, le niveau de vie des ménages est très élevé, sensiblement supérieur aux moyennes régionale et nationale, ce pour l’ensemble des catégories sociales des plus défavorisées aux plus riches. La répartition des revenus dessine au global une structure sociale très homogène, c’est-à-dire peu inégalitaire. Et les ménages vivant en dessous du seuil de pauvreté sont nettement moins nombreux qu’en moyenne (5,5 % des ménages en 2015), ce qui fait de la pauvreté une préoccupation nettement moins vive ici qu’ailleurs, ce d’autant plus qu’elle y demeure moins intense.

Quatre grands enjeux au service d’une idée force : réguler le processus de « pendularisation »

Le modèle de développement semble inscrire le territoire dans une trajectoire porteuse sur un plan économique et social grâce à son intégration dans la dynamique métropolitaine bordelaise, au dynamisme exceptionnel de long terme et de court terme de son économie productive concurrentielle et de son économie présentielle. Pour autant, un constat appelle à faire preuve d’une certaine vigilance : l’articulation de plus en plus prononcée du territoire à la dynamique métropolitaine bordelaise et inversement, la prise d’appui de plus en plus intense de celle-ci sur la dynamique économique du territoire, favorisent le développement des migrations alternantes qui ont un coût social et environnemental croissant. Il apparaît donc primordial de chercher à « réarrimer » dans des proportions sans doute un peu plus équilibrée la dynamique sociale du territoire à sa dynamique économique de façon à réduire l’intensité des mouvements pendulaires et les nuisances qu’ils génèrent. Enoncé autrement, il s’agit d’avoir pour ambition de réguler la dynamique de « pendularisation » qui affecte le territoire.

L’atteinte de cette ambition passera nécessairement par la réponse à quatre grands types d’enjeux :

  • Conforter la dynamique productive concurrentielle du territoire en veillant à ce que plus d’actifs du territoire y contribuent, pérenniser le remarquable écosystème économique qui s’est constitué et l’implantation des entreprises les plus potentiellement mobiles ;

 

  • Réguler et diversifier le dynamisme de l’économie résidentielle pour préserver les atouts environnementaux du territoire :
    • en contenant l’attractivité résidentielle afin d’en réguler les effets pervers (hausse du foncier et de l’immobilier, altération du cadre de vie, impact sur les espaces agricoles…) ;
    • en stabilisant le volume de mouvements pendulaires et favorisant l’émergence de solutions de mobilité alternatives décarbonées ;
    • en stimulant l’attractivité touristique pour diversifier l’économie résidentielle ;

 

  • Veiller au maintien de la consommation sur le territoire pour pérenniser le dynamisme de l’économie présentielle en contenant le phénomène d’évasion commerciale et maintenir une vie locale ;

 

  • Développer des coopérations interterritoriales avec Bordeaux Métropole compte tenu des très fortes synergies économiques et environnementales qu’entretiennent les deux territoires.

 

Septembre 2019

Poids des revenus productifs et sociaux captés par le territoire - 1 – Graves et Landes de Cernès
Poids des revenus productifs et sociaux captés par le territoire - 1 – Graves et Landes de Cernès
Poids des revenus productifs et sociaux captés par le territoire - 2 – Graves et Landes de Cernès
Poids des revenus productifs et sociaux captés par le territoire - 2 – Graves et Landes de Cernès
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