Dans le cadre d’une politique territoriale solidaire et co-construite, la Région réalise des diagnostics territoriaux qu’elle partage avec les acteurs concernés pour mettre en évidence la capacité des territoires à se développer et à capitaliser sur ce potentiel.
S’étirant de la métropole bordelaise jusqu’à l’agglomération bergeracoise, le Libournais est un territoire mixte (urbain, péri-urbain et rural) organisé autour du pôle de Libourne et sous forte influence de la métropole bordelaise. L’extrémité sud-est fait partie de la couronne périurbaine de Bergerac. Les 5 EPCI qui composent le territoire – la communauté d’agglomération du Libournais (CALI), la CC Castillon/Pujols, la CC du Fronsadais, la CC du Grand Saint-Emilionnais et la CC du Pays Foyen - rassemblent près de 158 000 habitants.
Outre l’unité urbaine de Libourne qui concentre 40 % des emplois du territoire, le Libournais compte en son sein trois autres pôles structurants : Coutras (3 400 emplois) et Saint-Seurin-sur-L’ Isle (1 900 emplois) dans la CALI, Castillon-la- Bataille (2 200 emplois) à l’est.
Le territoire bénéficie d’une position exceptionnelle par rapport aux infrastructures de transport. L’axe autoroutier A89 qui le traverse et le relie à Bordeaux et Lyon, via Clermont-Ferrand, la desserte LGV qui met Paris à 2h45 de Libourne ainsi que la relative proximité de l’A10 (Paris-Bayonne-Espagne) et de l’aéroport de Bordeaux lui confèrent une ouverture à longue distance. A courte distance, deux axes secondaires structurants relient le Libournais à Angoulême et Bergerac et trois liaisons TER (Bordeaux-Périgueux-Limoges, Bordeaux-Bergerac-Sarlat et Bordeaux-Angoulême) desservent ses 10 gares et haltes.
Des moteurs de développement diversifiés mais insuffisants pour capter un important volume global de richesses
Le modèle de développement du Libournais se caractérise par une surreprésentation des revenus productifs exportateurs, des revenus sociaux et des revenus pendulaires. Le volume global de revenus captés en provenance de l’extérieur n’est cependant pas aussi élevé que dans la moyenne des territoires de même catégorie, notamment en raison du déficit des revenus touristiques.
Le modèle de développement repose pour une part significative sur les capacités productives du territoire, historiquement très ancrées. Bien que les difficultés enregistrées dans le champ productif restent mesurées dans le Libournais, les mutations économiques en cours génèrent une montée en puissance des difficultés sociales à l’origine de l’activation de transferts sociaux importants (minima sociaux, allocations chômage, etc.).
Ce modèle s’appuie aussi fortement sur un mouvement plus porteur, lié à la montée en puissance des revenus « pendulaires » dans le processus de captation. Le positionnement résidentiel du Libournais, aux portes de la métropole bordelaise, génère en effet un important apport de revenus importés par les 20 400 actifs qui résident dans le territoire et travaillent à l’extérieur (32,7 % des actifs en emploi du territoire). Plus de 11 400 d’entre eux occupent un emploi au sein de Bordeaux métropole.
En revanche, les revenus touristiques sont largement sous-mobilisés. Si Saint- Emilion reçoit plus d’un million de touristes par an, le reste du territoire ne bénéficie que très peu de cette dynamique et les capacités d’hébergement sont globalement très limitées.
La part des pensions de retraite, comparable à la moyenne observée dans les territoires de même catégorie, ressort à un niveau plus élevé que ce que laisserait penser la relative jeunesse de la population. Ce constat s’explique en creux par le déficit des autres moteurs de développement et le faible potentiel global de captation de richesses dont pâtit le Libournais.
Compte tenu du volume global de revenus captés rapporté au nombre d’emplois présentiels, le territoire bénéficie d’une forte propension à consommer localement qui laisse supposer une faible évasion commerciale. Pour autant, la densité en emplois présentiels (nombre d’emplois présentiels pour 100 habitants) est inférieure aux moyennes de comparaison. Le volume total des revenus captés par le territoire n’est en effet pas assez conséquent pour stimuler davantage la création d’emplois présentiels.
Une économie à dominante productive qui témoigne d’une forte vitalité
Comme partout, le tissu économique du Libournais a connu des mutations au cours des 40 dernières années. La part des activités productives, antérieurement prédominante, a reculé au profit des activités présentielles qui se sont fortement développées, portées par le dynamisme de la consommation locale. Grâce à une baisse contenue de ses emplois productifs, le territoire se distingue de la moyenne nationale et conserve une orientation productive (38,5% des emplois relèvent de la sphère productive en 2015 contre 34,0% en province).
L’agriculture, dominée par la viticulture, demeure un pilier économique de ce territoire -et qui en fait sa marque, à travers ses appellations de renommée mondiale (AOC Saint-Emilion, Pomerol, Lussac-Saint Emilion, Montagne-Saint Emilion, Puisseguin-Saint Emilion) et, pour certaines, moins prestigieuses (Fronsac, Castillon-Côtes de Bordeaux…). Le secteur agricole, à forte composante salariée dans le Libournais, concentre 15% des emplois salariés du territoire. L’industrie pèse moins fortement dans l’emploi mais certains de ses secteurs spécialisent le tissu productif local : l’industrie pharmaceutique (avec le siège du groupe international CEVA Santé animale), le bois-papier-imprimerie et la production et distribution d’eau, assainissement et gestion des déchets. Un secteur présentiel, la santé, est également surreprésenté.
La vitalité économique du territoire observée sur longue période se confirme sur la période récente. La « Grande récession » impulsée en 2008 par la crise financière internationale a eu un impact très modéré sur le territoire. Il a été moins exposé au cycle récessif de 2008-2009 que les territoires de référence et, à leur différence, recrée des emplois de manière ininterrompue depuis 2009. Les services administratifs et de soutien ainsi que les secteurs présentiels de l’hébergement- restauration et de l’hébergement médico-social et action sociale y contribuent largement. Certains secteurs industriels (industries pharmaceutique et agroalimentaire) enregistrent de très bonnes performances. A l’inverse, la métallurgie, la fabrication de produits caoutchouc-plastique et les autres activités spécialisées, scientifiques et techniques subissent des pertes d’emploi significatives, supérieures aux évolutions nationales. Au-delà de l’orientation sectorielle de son tissu économique, ce sont les capacités propres du territoire (infrastructures de transport, coordination du tissu économique local et coopérations, innovations, présence d’aménités naturelles ?…) qui impulsent cette bonne trajectoire économique. La présence de pépites, leaders sur leur marché, constitue un atout : Fayat (BTP), FERMENTALG (production de produits à base d’algues), SMICVAL (économie circulaire).
Une situation sociale préoccupante et des disparités territoriales
Si l’économie du Libournais s’inscrit dans la durée dans une dynamique positive, la situation sociale est préoccupante et explique la surreprésentation des transferts sociaux dans le modèle de développement. Le chômage est supérieur aux moyennes des territoires de référence. Le niveau de qualification de la population du Libournais est bas, y compris chez les jeunes. 34 % de la population de 15 ans et plus qui n’est plus scolarisée ne dispose pas d’un diplôme qualifiant, soit 3 points de plus qu’en Nouvelle-Aquitaine. Bien que cette situation soit logiquement moins fréquente chez les jeunes, le différentiel avec la région est sensiblement plus marqué chez les moins de 25 ans et les 25 à 39 ans (de 6 à 7 points selon la tranche d’âge), ce qui pénalise lourdement la durabilité du développement du territoire et le développement humain des habitants. La faiblesse généralisée du niveau de vie des ménages constitue un autre signal négatif en termes de situation sociale et qui limite la consommation et le développement de l’économie présentielle. Les situations de pauvreté sont plus répandues que dans les territoires de référence (elles touchent 15,6 % des ménages en 2015). La précarité de l’emploi est, par contre, relativement modérée. Malgré un recours important aux CDD, les contrats précaires (qui incluent aussi intérim, emplois aidés, etc.) sont sous-représentés dans le Libournais.
Une partie du territoire est particulièrement exposée. Le sud-est du Libournais cumule les fragilités socio-économiques : chômage, pauvreté, faible qualification de la population, mais aussi déprise démographique et vieillissement. Par certains aspects, la situation sociale est également préoccupante dans le nord du territoire, autour de Coutras. La population y est faiblement qualifiée, le revenu des ménages bas et le chômage important. Dans le Fronsadais, les signaux sociaux restent favorables malgré des pertes d’emplois récentes.
L’ancrage des fragilités sociales du Libournais dans le temps, qui affecte particulièrement certaines zones, impacte durablement le territoire. Il semble s’expliquer par la composition sociale du territoire et par l’insuffisance d’emplois locaux. La faiblesse des revenus et du niveau de qualification est en effet probablement liée à la composition sociale de la population active : les ouvriers, notamment agricoles, sont surreprésentés, au contraire des cadres et professions intermédiaires sous-représentés. Par ailleurs, le Libournais est trop faiblement pourvoyeur d’emplois. En 2015, il compte 73 000 actifs pour 55 500 emplois, soit un ratio de 131 actifs pour 100 emplois sensiblement plus élevé que dans les territoires de référence. Bien que des flux intenses d’actifs aillent travailler hors du territoire (20 400), sensiblement plus étoffés que les flux d’actifs extérieurs qui viennent travailler dans le territoire (13 200), ils ne suffisent pas à résoudre le déficit numérique d’emplois pour les actifs résidents. Et ces flux d’actifs approchent probablement leur limite au regard du renchérissement des coûts de déplacement et de leurs impacts environnementaux.
Une attractivité démographique très soutenue, à maîtriser et accompagner
Le Libournais s’inscrit dans une longue trajectoire de dynamisme démographique. L’accroissement de la population s’accélère au cours des années 2000 et se poursuit à un rythme supérieur aux tendances régionale et nationale. L’importance des apports migratoires, combinée à un solde naturel devenu positif grâce à l’arrivée de jeunes ménages, laisse augurer la poursuite d’une croissance démographique soutenue du territoire.
La forte attractivité démographique du Libournais est susceptible de favoriser la consommation locale et le développement de l’économie présentielle du territoire. Elle repose sur une offre satisfaisante en termes d’équipements les plus courants (gamme de proximité). Néanmoins, l’offre d’équipements de la gamme intermédiaire (dont magasins de vêtements, équipements de sport, supermarchés) apparaît sous-dimensionnée et le parc de logements existants mal adapté à l’accueil de populations nouvelles, comme au logement des populations résidentes. Ancien et touché par un taux de vacance élevé, il est symptomatique d’une qualité déclinante peu attractive et favorisant les situations de précarité énergétique. La forte proportion de logements locatifs est par contre un atout.
La dynamique démographique, portée par la contribution du territoire à la dynamique métropolitaine, s’accompagne d’une périurbanisation croissante et d’un recul significatif des espaces naturels (-5 % entre 2009 et 2015). La consommation d’espace qu’elle engendre (0,12 hectare par habitant supplémentaire) est contenue à un niveau comparable aux tendances observées dans les territoires périurbains de la métropole bordelaise. Pour autant, la politique d’accueil doit s’accompagner d’une maîtrise de l’occupation des sols et de solutions de mobilités durables.
Des marges de développement dans le tourisme
La faible densité d’offre d’hébergement touristique, non marchande comme marchande, traduit le déficit d’attractivité touristique du territoire. Composée de 24 hôtels, 12 campings et une résidence de tourisme, l’offre reste à étoffer. La montée en gamme d’une partie de l’offre d’hébergement est en outre nécessaire. Si les établissements présents sont plutôt haut-de-gamme, une part significative de l’offre hôtelière et de camping n’est pas classée. Les richesses patrimoniales, naturelles et culturelles du Libournais et la diversité de ses paysages lui confèrent pourtant un fort potentiel touristique (œnotourisme, tourisme fluvial…) qu’il convient de mettre à profit. Son accessibilité et sa situation stratégique entre deux destinations touristiques majeures, Bordeaux et le Périgord, sont aussi des atouts importants.
Des enjeux stratégiques
Mettre en œuvre une gouvernance de projet
La réussite de la stratégie de développement du territoire repose sur le basculement d’une gouvernance administrative à une gouvernance de projet. Le PETR ne doit pas être l’addition de territoires administratifs mais un autre territoire, doté d’une gouvernance et d’une ingénierie pour faire vivre le projet de territoire et « fabriquer du projet plus simplement et plus rapidement ». La mise en réseau de toutes les parties prenantes constitue une clé de sa réussite.
Renforcer les activités productives du territoire, en soutenant notamment le levier viticole
Le fonctionnement socio-économique du Libournais s’appuie sur des moteurs de développement relativement diversifiés mais qui génèrent une captation de revenus extérieurs trop restreinte, et dont certains atteignent peut-être leurs limites (revenus pendulaires). Ce constat appelle des ajustements du modèle de développement par le renforcement du levier productif, notamment agricole.
L’agriculture et la viticulture sont confrontées à des mutations importantes. Comme partout, il convient de basculer vers une agriculture respectueuse de l’environnement, de développer des circuits courts, de diversifier les activités (agri-tourisme et œnotourisme…), d’adapter les cultures aux changements climatiques, de développer des liens avec les autres activités du territoire. S’ajoute ici la problématique de transmission des exploitations viticoles sur des terroirs exposés à la spéculation foncière et où le vieillissement des exploitants est accentué. Du fait de l’hyperspécialisation du Libournais dans la viticulture, la santé économique de la filière viticole, exposée aux aléas climatiques, influence une partie de l’économie locale, notamment les activités connexes (BTP, imprimeries, fabricants de caisses et cartons, etc). Cette dépendance doit être prise en compte et appelle une diversification des activités productives concurrentielles. L’appartenance d’importantes entreprises du territoire (du secteur bois-papier- carton notamment) à des groupes étrangers peut constituer un risque.
Renforcer la cohésion sociale et fluidifier le marché du travail
L’élévation du niveau de qualification et l’insertion de populations éloignées de l’emploi, notamment des jeunes, revêtent également une importance majeure dans ce territoire et conditionnent la réduction des situations de précarité. Il s’agit de lever les obstacles relatifs à l’orientation, la formation, l’accès à l’emploi et à l’activité. Des solutions innovantes sont probablement à élaborer en s’appuyant sur le développement de l’économie sociale et solidaire, aujourd’hui sous- représentée.
Consolider les pôles structurants du territoire et leur rôle au sein du Libournais et dans l’espace métropolitain
Le Libournais est marqué par des disparités sociales et des fractures entre espace urbain et espaces ruraux. Développer l’emploi au sein de ces pôles constitue non seulement un enjeu économique et social, pour réduire le déficit d’emplois offerts aux actifs du territoire, mais aussi un enjeu environnemental pour limiter les flux de déplacements et un enjeu d’aménagement du territoire. Cela passe par l’affirmation du rôle de la CALI comme pôle d’équilibre, aux portes de la métropole régionale. La consolidation des pôles secondaires est également importante. Le développement de l’économie présentielle adaptée aux besoins de la population locale et des touristes peut s’appuyer sur la nécessaire amélioration du niveau d’équipement, aujourd’hui sous-dimensionné, dans les centralités du territoire.
Diversifier les revenus résidentiels par le tourisme et la culture
Territoire d’excursion et non de séjour, le territoire du Libournais ne semble pas tirer profit de l’attractivité de Saint-Emilion ni du potentiel touristique des divers espaces qui le composent. Le développement de l’attractivité touristique et culturelle du territoire constitue à cet égard une opportunité de développement.
Adapter la dynamique d’accueil du Libournais
Au regard de son impact sur la consommation d’espaces, sur la qualité environnementale et sur les conditions de vie de la population notamment, il convient de chercher à maîtriser les effets de l’attractivité résidentielle du Libournais. Cela passe par la préservation des espaces naturels et des ressources agricoles, la maîtrise de l’étalement urbain, le développement d’une offre de logement adaptée et la gestion des mobilités.