Aux confins de la Corrèze et du Cantal, les majestueuses Tours de Merle se dressent, témoins silencieux de l’histoire médiévale et de la beauté sauvage de la Xaintrie. Encore méconnu, ce joyau patrimonial pourrait bien devenir la pierre angulaire d’un projet éco-touristique majeur, porté par une ambition de développement durable. Avec l’engagement de la communauté de communes Xaintrie Val de Dordogne et le soutien de plusieurs partenaires institutionnels, le site se prépare à offrir une expérience inédite, où l’histoire et la nature coexistent en harmonie.
- #Patrimoine et inventaire
Les Tours de Merle sont un ensemble de sept tours fortifiées, érigées entre le XIIᵉ et le XVᵉ siècle, qui dominent la vallée de la Maronne depuis un éperon rocheux. Jadis, elles marquaient la frontière entre le Duché d'Aquitaine, le Comté d'Auvergne et celui de Toulouse, formant un véritable point stratégique en pleine période féodale. Dans ce cadre sauvage, un village de plusieurs centaines d’habitants s’épanouissait autrefois au pied des tours, animant la vie médiévale de ce territoire. Aujourd’hui, ce site, classé monument historique et situé dans une zone Natura 2000, attire chaque année environ 25 000 visiteurs, séduits par son atmosphère unique et ses animations estivales qui plongent petits et grands dans l’histoire de la région. Des visites guidées et costumées très professionnelles, et autres spectacles de chevaliers, y sont proposés l’été.
© Jean-Bernard Gilles
L’endroit est magique, et pas seulement pour les enfants. Un spectacle son et lumière y a été même donné il y a quelques années. Mais le castrum doit en permanence être sécurisé. La commune de Saint-Geniez aux Merles (90 habitants) longtemps propriétaire de ce site n’avait pas les moyens de lui donner un nouvel élan. La nouvelle équipe d’élus aux commandes de la communauté de communes de Xaintrie Val de Dordogne (siège à Argentat) prend alors la main : « Nous avions conscience que les Tours de Merle étaient notre site phare et que nous devions mieux le valoriser » explique Nicole Bardi, présidente de l’intercommunalité. Un million d’euros sont actuellement investis dans une maison d’accueil du touriste digne de ce nom, par la communauté de communes avec le soutien du Feder, du Conseil Départemental et de la Région. Le département de la Corrèze finance également un ingénieur de développement, Nathalie Duriez, poste que la Communauté de Communes assumera complètement en 2025. Les élus veulent donner un éclat et une attractivité nouvelle aux tours de Merle, d’ici à 10 ans, mais avec les idées claires. Conforter l’aspect romantique et médiéval du lieu tout en préservant son environnement immédiat au point d’en faire une réserve naturelle régionale. Délicate équation !
Projet de réserve naturelle régionale
Ce projet touristique s’impose aussi à une Xaintrie discrète, voire en retrait, que les jeunes quittent à regret, faute d’emplois. L’agriculture vivrière, la petite industrie du bois, l’élevage et le secteur médico-social forment ici le gros de l’activité. « Mais nous souhaitons respecter le côté historiquement sauvage du lieu et son exceptionnelle biodiversité » défend Jean-Michel Teulière, vice-président à la transition écologique de l’intercommunalité et maire voisin de Saint Bonnet les Tours de Merle. Pas question de perturber les aigles bottés, le milan royal ou la colonie de chauve-souris qui peuplent le sommet de la plus haute des Tours. « Nous devons investir dans le développement d’un site qui porte une marque territoriale, en créant simultanément la réserve régionale des gorges de la Maronne » résume Nathalie Duriez, la cheffe d’orchestre du renouveau des Tours de Merle. Depuis une quinzaine d’année, un patient travail d’acquisition foncière a été mené sur la vallée. La Région Nouvelle -Aquitaine a obtenu la cession de terrains d’EDF, validé par le ministère de la transition écologique à l’automne dernier. Un corridor d’environ 200 hectares, à cheval sur 3 communes, est désormais maîtrisé. Les négociations menées sous l’égide du conservatoire d’espaces naturels de Nouvelle-Aquitaine furent longues. La communauté de communes s’y est impliquée patiemment. Des conventions ont été signées avec des propriétaires bienveillants. La réserve régionale de la vallée de la Maronne que les Régions peuvent désormais classer comme l’Etat depuis 2004 est enfin en vue. Au printemps prochain, elle garantira la protection de la biodiversité, un choix parfaitement assumé politiquement. Son règlement est contraignant : pas de spectacles de fauconnerie compte tenue de la présence d’espèces à l’état sauvage (aigle botté, milan noir…), pas de traversée de la rivière à cheval en dépit de l’intérêt pour le site des spectacles médiévaux impliquant les chevaliers, adieu au son et lumière d’hier qui a drainé des années durant des milliers de spectateurs sur le site car ses nuisances perturberaient la colonie de chauve-souris qui a fait des Tours un de ses sites de reproduction significatifs de la haute vallée de la Dordogne. La plaine de jeu au pied des tours a toutefois été exclue du périmètre de la réserve naturelle. C’est là que peuvent se tenir les spectacles, démonstrations médiévales et autres apéro-concerts entre chien et loup. Tout sera question de dosage et de modération. Et puis la réserve permet le recrutement d’un animateur à plein temps. Il aura aussi pour tâche de développer l’accueil et la découverte du site, et la promotion de sa biodiversité auprès des scolaires bien sûr mais pas seulement.« Nous avons ici les espèces animales et végétales suffisantes pour développer des circuits de randonnée, des visites de groupes, et autres actions de médiations écologiques qui contribueront à l’attractivité du site « est convaincu Christophe Lagorsse, chargé de mission au Conservatoire d’espaces naturels de la Nouvelle-Aquitaine, cheville ouvrière de ce projet de réserve naturelle de la Maronne.
© Jean-Bernard Gilles
Des tours qui valent le détour
D’ici là, les travaux de sécurisation, de lutte contre la végétalisation et d’amélioration de l’accueil des touristes devront se poursuivre. Une nouvelle voie d’accès au parking, située à l’est du site, de l’autre côté de la rivière, sera aménagée. Quand la nouvelle maison d’accueil sera en service avec sa boutique (et ses 60 % de produits made in Corrèze !), on estime encore à environ 500 000 euros étalés dans le temps, le montant des travaux pour optimiser l’accueil sur le site. Un effort pour lequel la communauté de communes sera preneuse de soutiens. Elle investit de plus de plus sur les Tours de Merle depuis des années déjà : « Il nous faut mettre le paquet d’ici à 2026 sur la sécurisation du site et convaincre encore et toujours de la nécessité de soutenir et de faire briller cette pépite en Xaintrie mais surtout au-delà » affirme France Chastaingt, élu communautaire délégué au tourisme, en charge de ce projet majeur. Dans l’étude commandée sur la vision des Tours de Merle à l’horizon 2035, les pistes de développement ne manquent pas. L’objectif est d’atteindre les 40 000 visiteurs par an, jamais plus, soit près du double aujourd’hui. Nathalie Duriez et son équipe de trois à quatre agents sur le site ne manquent pas d’idées. Les visites commentées, en petits groupes, qui ont grand succès pourront y contribuer tout au long de l’année alors qu’elles ses concentrent aujourd’hui encore trop sur la période estivale. Des ateliers pédagogiques (cuisine, archéologie, calligraphie) vont se multiplier. Des visites guidées, plus longues, en version premium, trouveront à coup sûr leur public. Les Tours de Merle valent le détour. Et peuvent devenir une des destinations éco touristique majeure de la Région Nouvelle-Aquitaine. Il suffit pour s’en convaincre d’emprunter la départementale 35…. Et de se laisser emporter !