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Un bateau en construction dans le bâtiment en bois des chantiers
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actualité

Les Chantiers Tramasset : l’héritage du fleuve

territoire

Coeur Entre-Deux-Mers

Au Tourne (Gironde), dans l’Entre-Deux-Mers, une association entretient le savoir-faire traditionnel des charpentiers de marine, tout en faisant de son site patrimonial un espace de vie sociale et culturelle.

Publié le jeudi 1 juin 2023
  • #Vie associative
  • #Éducation artistique et culturelle
  • #Patrimoine et inventaire
Coque de bateau

Posée au bord de la Garonne dans un écrin de verdure, la grande halle de 46 mètres de long en pierre et bois frappe par sa beauté insolite. Son caractère ancien préservé fait d’elle le témoin privilégié d’une activité ayant connu son heure de gloire dans la région de l’Entre-Deux-Mers : la construction de bateaux en bois traditionnels, comme la gabare, destinés au transport des marchandises. Ici et là sont visibles des inscriptions gravées : le nom et la date de chaque bateau terminé en cet endroit chargé de souvenirs. Une coutume des charpentiers de marine.

Le développement des chantiers navals

La Garonne constituait jadis une voie commerciale majeure vers Bordeaux. Y transitaient notamment les vins locaux et les pierres extraites des carrières environnantes qui servaient à l’édification de la ville. De ce fait, de nombreux chantiers navals se sont développés le long du fleuve. Il en existait plusieurs sur le secteur des villages du Tourne et de Langoiran, dont celui fondé en 1837 par Pierre Tramasset. Son activité s’est révélée florissante jusqu’à la fin des années 1950. Le développement des embarcations en fer et des autres moyens de transport a mis fin en 1985 à une belle aventure familiale de près d’un siècle et demi sur plusieurs générations. Le nom est resté, toutefois. Sauvé de l’oubli.

L'intérieur du hangar des chantiers

Bateaux sur l’eau

En 1991, la commune du Tourne a racheté le site classé Monument Historique. Il est occupé depuis 1997 par l’association Les Chantiers Tramasset. « Il est important pour le territoire que vive son patrimoine fluvial, il fait partie intégrante de son identité », déclare Anthony Crochu, le directeur. Cette préservation passe par la transmission des techniques de charpente de marine à travers la mise en oeuvre de chantiers de construction et de restauration de bateaux en bois typiques. Un exemple parmi d’autres : « L’Amynata », une filadière utilisée pour la pêche au filet, a vu son bordage entièrement refait avec des planches passées dans une étuve pour les assouplir de façon à ce qu’elles épousent la forme de la coque. Un savoir-faire technique valorisé par les Chantiers Tramasset.

Le Coureau, pour le fret

L’exemple le plus marquant reste la fabrication du « Coureau », un bateau de fret à fond plat et à faible tirant d’eau adapté à la navigation fluviale. Long de 16 mètres et large de 5,25 mètres, son plan s’inspire de celui de « L’Henriette », le dernier coureau à avoir été exploité au port de Langoiran-Le Tourne jusqu’en 1970. Exposée sur un échafaudage, son ossature en bois aussi massive qu’harmonieuse constitue l’une des attractions majeures pour les visiteurs. A l’occasion des journées européennes du patrimoine 2022, sa silhouette a été prolongée d’une immense queue de baleine en bambous du plus bel effet. Une création de l’artiste Camille Mansir, assistée de Matthias Maurin.

Régulièrement, les adhérents actifs de l’association - ils sont une centaine - mettent les bateaux à l’eau. « La raison d’être d’un bateau n’est pas de rester à quai mais bel et bien de naviguer », fait remarquer Anthony. La flottille est ainsi mise à contribution chaque été à l’occasion des Rencontres des Bateaux en Bois et Autres Instrument à Vent, où des concerts à terre viennent compléter les sorties nautiques.

Voiliers sur la Garonne

Un lieu d’échanges humains

Le site du chantier accueille diverses manifestations, tels le salon des Belles Goulées autour des vins bio, biodynamiques et naturels de l’Entre-Deux-Mers ou le marché de Noël éthique d’artisanat local. Des événements porteurs de valeurs de responsabilité, de partage, que l’association entend défendre. Ses engagements revêtent bien des formes : chantiers de jeunes bénévoles, ateliers scolaires autour du travail du bois, rencontres culturelles, artistes en résidence dans un carrelet rénové, entretien des berges… « Notre volonté de renforcer les liens sociaux nous a valu de recevoir l’agrément Espace de Vie Sociale de la CAF », précise Anthony. « Dans ce lieu aux multiples facettes, chacun peut se projeter à sa façon. Notre buvette associative a vu le jour à l’initiative des adhérents en réponse à ce qu’ils traversaient pendant la crise de la Covid. S’ils souhaitent utiliser les machines à bois pour des réalisations personnelles, ils ont aussi accès à l’atelier participatif ».

Une véritable philosophie du vivre-ensemble imprègne les Chantiers Tramasset, symboliquement ouverts sur l’extérieur sans contrainte ni barrière.

Vue du chantier naval avec petits bateaux en cale sèche et hangar