En Charente, Emmaüs Ruffec a imaginé un bureau itinérant aménagé dans une remorque. L'association sillonne douze communes pour offrir un accès aux principaux services publics.
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"Parfois, il suffit d'un simple appel téléphonique pour régler une situation difficile", sourit Dominique Pichon, l'une des bénévoles de l'association Emmaüs Ruffec affiliée au mouvement Emmaüs. Depuis l'été 2021, ses membres sillonnent le Pays du Ruffécois, au nord de la Charente, à bord de l'EmmaBüs, un bureau itinérant permettant d'accéder aux principaux services publics.
Chaque jour, en semaine, les bénévoles et salariés permanents d'Emmaüs s'installent sur la place d'un village et accueillent les usagers pour mieux les conseillers. Douze permanences sont ainsi proposées dans autant de villages charentais. « Nous venons tous les 15 jours au même endroit et nous nous organisons pour être dans un même secteur géographique chaque semaine », explique Johanna Ream, la directrice adjointe d'Emmaüs Ruffec chargée du développement ce projet.
Un espace France Services
L'EmmaBüs est en réalité un espace France Services (EFS) et permet d'accéder à « un bouquet de services du quotidien » et aux principales administrations ou partenaires de l’État comme la CAF, la MSA, les impôts ou l'Assurance maladie. Mais à la différence de l'immense majorité des EFS déployés en mairie et agences postales, le projet d'Emmaüs parie sur la mobilité, la flexibilité et son implantation en zone rurale. Comment ? En ayant choisi d'installer ce bureau dans... une remorque. « On peut l'installer dans un village, la détacher puis nous déplacer avec la camionnette pour véhiculer des usagers », résume Johanna Ream. L'association charentaise s'investit depuis près de deux décennies dans les questions de mobilité. Après avoir créé un service de location de deux-roues, Emmaüs Ruffec a lancé une auto-école solidaire et possédera bientôt trois autres antennes similaires dans le département. Entre-temps, ses membres ont étendu la location à des voitures sans permis et véhicules légers. Un conseiller en mobilité a même été recruté pour s'occuper de cette seule problématique, essentielle en mileu rural.
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Epauler les plus fragiles
Face à ce constat, Emmaüs Ruffec réfléchissait depuis longtemps à d'autres idées pour épauler les plus fragiles et peu mobiles. Le lancement des espaces France Services est ainsi arrivé à un moment charnière pour l'association charentaise devenue la seule entité du mouvement Emmaüs à proposer ce service itinérant. « Ici, nous avons tout ce qu'il faut. Des ordinateurs, une imprimante, une cafetière et des sanitaires », explique Dominique Pichon qui reçoit les usagers avec son collègue Pascal Bonnefoy. Aménagée dans les Deux-Sèvres, la remorque permet d'accueillir les personnes en situation de handicap grâce à des rampes amovibles. Plusieurs bénévoles et salariés engagés dans cette mission ont même dû passer leur permis BE pour véhiculer cet attelage insolite. Coût total du projet : plus de 100 000 euros cofinancés par l'Europe, la CAF et la Région Nouvelle-Aquitaine.
Le dernier recours
Les usagers, eux, identifient désormais cette permanence hebdomadaire installée le plus souvent à deux pas de la mairie. « Certains viennent pour une carte d'identité. On se rend compte alors qu'ils n'ont pas payé leurs impôts ou ne touchent plus leurs retraites depuis des mois », esquissent les membres d'Emmaüs. Souvent visité « en dernier recours », l'EmmaBüs présente pourtant des atouts non négligeables pour les administrés. « Les services sollicités ont l'obligation de nous apporter une réponse. En tant qu'espace France Services, nous avons directement accès à de nombreux services publics via des numéros de téléphone dédiés », souligne Dominique Pichon. Retraitée, Brigitte Schneider a justement bénéficié de cette aide ces derniers mois. « Je viens d'Alsace où j'ai fait toute ma carrière. J'avais un problème, mais n'arrivais à joindre personne... Au téléphone, je tombais toujours sur un robot à qui je devais résumer une question assez complexe », raconte cette sexagénaire. Privée d'interlocuteur et désemparée, Brigitte Schneider a fini par se tourner vers l'EmmaBüs : « Ils avaient un numéro et savaient comment faire. Le problème a été vite réglé ! »
"Nous sommes au plus proche de la population."
Les demandes, elles, varient au gré de l'actualité ou des saisons. « La réforme des retraites a généré beaucoup de questions. Les impôts aussi, lorsqu'il faut remplir sa déclaration », confirme Johanna Ream qui estime à près de 60 000 euros le coût annuel de fonctionnement de l'EmmaBüs. Si les frais d'entretien de ce matériel roulant ont explosé, l'association a également dû souscrire à trois abonnements Internet différents pour disposer d'une connexion fiable. L'accès au numérique, en milieu rural, reste – au même titre que la mobilité – une problématique majeure à laquelle tentent de répondre les membres d'Emmaüs. « Nous sommes au plus proche de la population. Et tout est gratuit, même la photocopieuse. Ça, c'est très important », insiste Dominique Pichon.